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27 février 2003

Un défi à la mesure de l’école secondaire
Jean-Pierre Proulx

L’appropriation locale de la réforme passera par un leadership local fort
et la mobilisation de la communauté en vue de la réussite de tous les élèves

L’appropriation locale de la réforme passera par un leadership local fort
et la mobilisation de la communauté en vue de la réussite de tous les élèves

par Jean-Pierre Proulx, président du Conseil supérieur de l’éducation

La réforme de l’école secondaire prévue pour septembre 2004 constitue plus qu’une réforme. Elle entraînera, à vrai dire, une petite révolution pédagogique et organisationnelle. Le Conseil supérieur de l’éducation croit fermement en la valeur et la pertinence de cette réforme. Il pense aussi qu’elle sera difficile, mais néanmoins réalisable car il s’agit pour l’école secondaire d’un défi à sa mesure.

C’est précisément pour aider à sa mise en œuvre qu’il vient de publier un avis sur son appropriation par les établissements, car c’est largement à ce niveau que les choses vont se jouer. Et si son avis n’est pas à proprement parler un guide, il s’agit quand même d’un document pour l’action. Le Conseil l’offre à tous les acteurs concernés. Ils pourront y redécouvrir le sens de cette réforme, y déceler les traits de l’école nouvelle quand la réforme aura trouvé son achèvement, et, surtout, y lire l’énoncé de quelques conditions jugées essentielles pour y parvenir. Voyons les choses de plus près.

Première condition. Cette réforme se fera si, dans chaque établissement, on retrouve un leadership fort et une communauté éducative mobilisée par la réussite de tous les élèves. Cette condition interpelle, en tout premier lieu, les chefs d’établissement de qui on attendra une direction à la fois pédagogique, administrative et politique, tant à l’interne que dans la communauté. Cette condition suppose aussi que les rapports entre les directions et les commissions scolaires se fondent sur la concertation et non la subordination. Elle exigera aussi que les encadrements juridiques et administratifs soient assouplis pour permettre aux directions d’agir. Mais tout ne dépend pas que de celles-ci. En dehors d’une communauté éducative tout entière mobilisée, on aboutira à rien ou à peu. Aussi, chacun des acteurs devra se sentir interpellé et plus particulièrement les leaders naturels de l’école qu’ils soient enseignantes et enseignants, professionnels, parents ou grands élèves.

Deuxième condition. Cette réforme suppose des changements substantiels pour les éducateurs, tant au plan de leur culture pédagogique que des compétences nouvelles qu’ils devront mettre en œuvre. C’est pourquoi, la réforme exige la mise en place d’un solide dispositif de formation continue. « Solide », cela veut dire certes profiter à plein des journées pédagogiques, mais aussi d’aller au-delà. « Ce dispositif, écrit le Conseil, devrait pouvoir allier le perfectionnement donné par les pairs en milieu de travail, la formation offerte en milieu universitaire, la réflexion individuelle et collective sur les pratiques professionnelles, voire la formation offerte par les groupes communautaires dans les domaines de la culture, des loisirs, de la santé ». On le voit bien : c’est la conscience professionnelle des éducatrices et des éducateurs qui, cette fois, se trouve très sérieusement interpellée par ces exigences nouvelles.

Troisième condition. L’appropriation de cette réforme piétinera, pire, avortera si elle ne se fait pas à l’intérieur d’une vision intégrée. En effet, elle est complexe. Il faudra donc que tous ceux qui y œuvrent puissent avoir une vue d’ensemble, harmonieuse et harmonisée, des buts et des objectifs à atteindre, des étapes à franchir. Certaines étapes seront plus difficiles, mais néanmoins incontournables, telle l’harmonisation des grands encadrements du système. Car à quoi serviraient les plus belles visées pédagogiques, si les encadrements juridiques, légiférés ou conventionnés, en rendaient l’application impossible ?

Quatrièmement, l’appropriation locale de la réforme suppose un pilotage ministériel clairement affiché. Cette réforme touche chaque établissement en particulier. Mais elle touche aussi le système éducatif. Si chacun doit être maître à bord de sa barque, il faut aussi un vaisseau amiral. Il y a ici des impératifs de justice et d’équité. Il faut s’assurer en effet, parce que l’appropriation de la réforme se fait localement, qu’aucun élève n’en subisse quelque préjudice ni que soient accentuées, via l’école, les inégalités sociales. On ne peut donc se permettre des incohérences et des dérapages. Bref, il revient au ministre de l’Éducation d’assurer le pilotage de la réforme, dans une « logique de partenariat » avec les acteurs concernés.

Mais en deçà des conditions de mise en œuvre, disions-nous au départ, il y a le sens de cette réforme. À cet égard, le Conseil a estimé que son appropriation supposait que les acteurs en aient en tête le sens, d’autant que, depuis les États généraux sur l’éducation qui en sont à l’origine et sa mise en œuvre à l’automne 2004, sept ans déjà se seront écoulés! Bien des choses sont déjà oubliées. Aussi le Conseil a-t-il trouvé important de rappeler à tous l’origine, les grandes articulations et les raisons d’être de cette réforme par un survol historique qui, depuis les États généraux de 1995-96, nous ont amenés jusqu’ici. Sans oublier : L’école tout un programme qui fournit les principes de la réforme des programmes.

En même temps, des changements structurels importants sont survenus par la création des conseils d’établissements et la décentralisation des pouvoirs vers l’école, par la reconnaissance du pouvoir pédagogique collectif des éducateurs, et tout récemment, par le recentrement des projets éducatifs sur la réussite de tous.

Enfin, si le sens de la présente réforme se trouve dans sa genèse, il loge aussi dans les buts qu’elle vise. Aussi le Conseil a-t-il fait un effort particulier pour dépeindre l’école secondaire qui vient. Il l’a fait à partir de quatre repères et a dégagé en même temps les enjeux qui s’y rattachent.

Un premier repère concerne le renforcement du pôle local. La « nouvelle école » secondaire accomplira sa mission avec des pouvoirs et des responsabilités plus étendus dans un système scolaire moins centralisé. Mais la partie n’est pas gagnée. La décentralisation progresse lentement. Il n’est pas facile de passer d’une culture de subordination à une culture d’autonomie. L’enjeu premier, ici, c’est l’amélioration de la réussite des élèves que la décentralisation veut favoriser.

Un second repère touche l’assouplissement des encadrements du système. La nouvelle école secondaire devrait pouvoir mieux respirer en disposant de plus de latitude dans le choix des moyens pour remplir sa mission éducative. Bref, il s’agit de revoir lois, règlements, régimes financiers, conventions collectives pour en arriver, notamment, à de nouveaux modèles d’organisation du travail. L’enjeu est de rendre possible une diversification du système pour répondre localement et de façon adaptée aux besoins diversifiés des milieux.

Le troisième repère porte sur la culture des enseignants. On observera dans la nouvelle école secondaire une culture professionnelle plus collégiale. L’enjeu est ici de faire que la réussite soit une tâche assumée ensemble et avec professionnalisme.

Le quatrième repère, enfin, a trait au développement d’une pédagogie moins uniforme dans un curriculum plus diversifié. Cela découle d’ailleurs directement de la révision du régime pédagogique qui mettra l’accent au deuxième cycle sur les options pour répondre à la diversité des besoins. L’enjeu ici est, malgré la diversité, de pouvoir éduquer les élèves dans l’égalité des chances de tous.

En somme, on le voit, la réforme de l’école secondaire constitue plus qu’une réforme. Elle passe en définitive par :


  • Une dynamique institutionnelle affirmée et reconnue.
  • Des choix institutionnels guidés par les intérêts des élèves et par leur réussite éducative.
  • Une mise en œuvre locale qui s’appuie sur le travail collectif et la collaboration.
  • Enfin, la transformation durable des pratiques professionnelles.


Pour accéder au texte intégral de l’avis : www.cse.gouv.qc.ca.




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