L’école n’a pas saisi le potentiel éducatif des technologies - TIC et éducation au Canada : l’Infobourg

9 octobre 2007

L’école n’a pas saisi le potentiel éducatif des technologies

Par Martine Rioux, APP

Alors que les jeunes de partout dans le monde adoptent les nouvelles technologies les unes après les autres, l’école tarde à se les approprier. « Pour la majorité des jeunes, Internet ne fait pas partie du monde de l’école. »

De janvier 2005 à juin 2006, des chercheurs ont scruté à la loupe l’appropriation des nouveaux médias par les jeunes de neuf pays européens (Belgique, Danemark, Estonie, France, Grèce, Italie, Pologne, Portugal et Royaume-Uni), dans le cadre d’une vaste enquête Mediappro.

Une équipe québécoise a également pris part à l’enquête. L’infobourg vous a déjà parlé des conclusions énoncées par les chercheurs québécois. Il semble que les jeunes Européens soient à peu près dans la même situation que les jeunes Québécois.

« La conclusion la plus frappante de l’ensemble de cette étude réside dans le fossé marqué entre les usages de l’Internet à la maison et à l’école. Dans tous les pays, Québec inclus, ce fossé s’impose en termes de fréquence d’utilisation, d’accès, de régulation, d’apprentissage et de développement d’aptitudes, et de type d’activités. Les données montrent que c’est un gouffre qui s’ouvre », lit-on dans la Synthèse des résultats établie par le Clemi pour la France.

En fait, ce que démontrent les études, tout pays confondu, c’est que les jeunes butinent d’une technologie à l’autre et se les approprient rapidement au fur et à mesure qu’elles apparaissent et qu’elles sont mises à leur disposition. Les pays où les jeunes vont le moins sur Internet sont la Grèce et l’Italie, mais ce sont aussi les pays où le branchement à haute vitesse est le moins répandu.

Ainsi, les jeunes « essaient » les technologies et deviennent très autodidactes. Une jeune Française confie : « Au début, je ne savais pas ce qu’il fallait faire, je ne savais pas où rechercher. Là, j’arrive mieux à m’en servir. J’ai appris en étant curieuse, au fur et à mesure que je vais voir, que je cherche, dans ma tête j’arrive plus à comprendre, à apprendre ».

Internet devient alors une source d’apprentissage (d’auto-apprentissage et d’apprentissage entre pairs) pour les jeunes qui n’attendent plus d’être assis sur un banc d’école pour s’informer et poser des questions. Ce faisant, par contre, ils développent un « faux sentiment » de compétence à naviguer efficacement sur le Web.

« Il est pourtant vraisemblable qu’ils surestiment leurs compétences : 79% estiment bien savoir comment fonctionne Internet et 52% d’entre eux se sentent capables d’évaluer l’information qu’ils s’y procurent », lit-on dans la Synthèse à propos des jeunes Européens en général.

Puis, à propos des jeunes Français en particulier : « Ils ne maîtrisent pas toujours les notions et les termes leur permettant de décrire et d’expliciter leurs pratiques, ou de construire leur propre point de vue sur ces médias. Ils ont aujourd’hui besoin d’approfondir des capacités qui restent souvent superficielles ».

Besoin de l’école qui n’y est pas
Pour aller plus loin dans leurs pratiques et en tirer profit encore davantage, il est donc évident que les jeunes auraient besoin d’un petit coup de pouce. « Ils demandent de l’aide pour mieux utiliser les médias électroniques, développer des habiletés, mieux comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre dans la production d’informations en ligne comme dans la communication à distance, acquérir des compétences critiques ».

Ce coup de pouce ne peut venir que de l’école. Pourtant, 22% des jeunes Européens déclarent n’avoir jamais utilisé Internet sur le temps scolaire et 30% l’avoir fait rarement. Au Québec, 39 % des jeunes disent ne jamais utiliser Internet à l’école. De plus, ceux qui l’utilisent à l’école font quasiment exclusivement de la recherche documentaire.

Sans utilisation régulièrement, il est impensable d’imaginer un milieu scolaire qui ferait une véritable éducation à l’utilisation des technologies et à toutes leurs subtilités, principalement en matière de sécurité (cyberintimidation, pourriel, désinformation, cyberpornographie, vol d’identité, hameçonnage, etc.).

Par ailleurs, jusqu’à maintenant, les écoles qui « s’ouvrent » aux technologies le font souvent à demi en se protégeant à outrance et en encadrant et limitant énormément les pratiques liées à la technologie. « Les écoles restreignent l’accès, interdisent certaines pratiques sans aucune nécessité, ne parviennent pas à comprendre la fonction communicationnelle d’Internet, et, pire que tout, échouent à transmettre les compétences de recherche documentaire, d’évaluation des sites, de recherche et de production créative qui devraient être les plus importantes pour elles ».

Un pouvoir créatif
S’il est une fonctionnalité offerte par les technologies sur laquelle devrait miser l’école, c’est bien son potentiel créatif. Près de 20% des jeunes Européens disent avoir créé leur propre site personnel ou blogue. Cela démontre un intérêt de leur part pour la création sur Internet. Par contre, la durée de vie de « leur création » est généralement très courte, faute d’encouragement et de motivation.

Qu’attend l’école pour saisir cette opportunité et encourager les jeunes à devenir de plus en plus créatifs? Les jeunes créent déjà toutes sortes de productions en parallèle de l’école, mais celles-ci tombent dans l’oubli rapidement. Et si l’école faisait en sorte de les mettre en valeur pour que les jeunes y trouvent une source de motivation et de valorisation personnelle?

Par ailleurs, Internet n’est pas la seule technologie à être exclue de l’école. Les jeux vidéos et le téléphone mobile sont également mis de côté. (En Europe, pratiquement tous les jeunes possèdent leur téléphone cellulaire et utilisent abondamment la fonction de messagerie texte, pratique qui est encore rarissime au Québec.)

« Il semble que l’école n’a pas exploré correctement le potentiel éducatif de ces usages, ou au moins la façon de l’enseigner : elle se tourne plutôt encore vers l’interdiction et la régulation ».

Bref, un monde de possibilités s’offre au milieu scolaire qui ne lui a pas encore reconnu son plein potentiel. Les jeunes, eux, n’ont pas attendu et ont saisi l’opportunité d’apprendre davantage et autrement. Et si, maintenant, l’école acceptait de les guider dans leur utilisation des technologies pour qu’ils puissent aller encore plus loin?

Consultez la chemise « Les jeunes et Internet » sur l’infobourg

Par Martine Rioux, APP