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13 mars 2006

LE SOLEIL : « Les commissions scolaires ne devraient pas exister »
Alain Bouchard, Le Soleil

« Les commissions scolaires ne devraient pas exister. Elles nous coûtent inutilement beaucoup d'argent et beaucoup de temps. Les écoles devraient relever directement du ministère de l'Éducation, par l'entremise de ses directions régionales. »

Celle qui ose cet « anathème » a réussi le tour de force peut-être unique au Québec d'avoir été 23 ans directrice de la même école primaire. Une école constituée de deux en fait, ainsi que la chose se voit couramment dans les villages et campagnes : Courval et Des Bourdons, à Neuville, dans Portneuf.

L'exploit n'est pas que mathématique. Il est surtout pédagogique, en même temps que philosophique. Si Gaétane Paquet-Morasse, une enfant de Pont-Rouge, qu'elle habite toujours, a pratiquement passé sa vie d'adulte dans le même bureau, c'est qu'elle y fut non seulement compétente, mais inégalable.

Au point tel qu'à certains moments, il y avait plus de stagiaires de l'université que d'enseignants dans ses écoles. Le mot se passait systématiquement : essaie de faire ton stage avec Mme Morasse.

« Les grands décideurs en éducation, et plus particulièrement ceux et celles qui gèrent nos commissions scolaires, dit M. Normand Voyer, président du conseil d'établissement des écoles concernées, pensent que pour être efficace dans la gestion d'une école, il faut être déplacé tous les quatre, cinq ans. Comme dans les grandes entreprises. Nous, à Neuville, nous croyons et avons la preuve que rester en place plus de cinq ans assure une meilleure stabilité et permet d'avoir une vision à long terme. »

Curé de village
Mme Morasse a été l'objet d'une grande fête de reconnaissance lorsqu'elle a pris sa retraite, l'an dernier. Ses proches ont voulu la remercier d'avoir pris à coeur, jour après jour durant 23 ans, le sort de 7000 élèves qui sont presque devenus tous ses enfants, particulièrement les moins pourvus de toutes espèces, qu'elle s'est fait un devoir et un honneur de mener à bon port.

Cette dame de fer au coeur de velours a religieusement intégré les élèves en difficultés dans les classes régulières, y compris les enfants autistes.

« Ma recette est simple, raconte la dame au SOLEIL, dans son grand solarium du chemin Grand-Capsa. Ouvrez des portes aux enfants ! Faites-leur de la place. Laissez-les vivre. Je pense que ma grande force a été d'accueillir les gens, les parents à plus forte raison. Il n'y a pas d'élèves sans parents. C'est donc eux que nous servons. » Des parents de Pont-Rouge inscrivaient leurs rejetons à Neuville à cause de ce curé de village en jupon.

Celle-ci a fait entrer l'opéra dans ses écoles. Elle a bâti le projet éducatif Arts et Culture, qui comprend notamment une exposition artistique annuelle de 300 oeuvres. Elle a implanté, en 1982, le premier service de garde à l'école de la commission scolaire de Portneuf.

Avant de devenir directrice d'école, Mme Morasse a enseigné quelques années à Pont-Rouge. Puis elle y a été directrice d'école durant quatre ans. Ce qui porte à 27 le nombre d'années consacrées à cette fonction-vocation.

Le sort des garçons
Ce qu'elle trouve terrible dans la mouvance des directeurs d'école, ce sont certains motifs pour lesquels ils sont parfois déplacés. "Quand un gestionnaire est déplacé parce qu'il réussit mal dans une école donnée, peut-être devrait-on plutôt travailler sur la personne ? Tout le monde n'est pas toujours à la bonne place, dans les écoles comme ailleurs."

La situation des garçons la préoccupe particulièrement. Elle n'est pas sûre que l'école mixte soit une bonne idée. « Si les garçons réussissaient bien autrefois, laisse-t-elle tomber, c'est probablement parce qu'ils fréquentaient des écoles de garçons, pensées entièrement pour eux. Ils ne se sentaient pas hors normes. »

C'est par fatigue physique qu'elle a quitté « ses » écoles. Bien que l'enthousiasme mental y était et y est toujours. Elle songe maintenant à faire de la recherche, ou peut-être du bénévolat international.

Entre-temps, elle a un petit chantier bien particulier, qu'elle mène presque en secret. Elle donne des cours privés à un garçon de 10 ans que sa mère a retiré du système scolaire "à raison", estime Mme Morasse. « Il avait été très mal catégorisé, j'en ai la preuve toutes les semaines, affirme-t-elle. L'école a sa part de responsabilités dans le décrochage scolaire... »

Par Alain Bouchard, Le Soleil

Cet article est tiré du quotidien Le Soleil de Québec du 12 mars 2006, page A3. l'infobourg a obtenu l'autorisation de le reproduire.


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