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31 octobre 2007

Fini l’impolitesse et l’indiscipline à Notre-Dame-du-Canada!
Par Martine Rioux, APP

Lorsqu’elle est entrée en poste comme directrice de l’école primaire Notre-Dame-du-Canada à Québec en 2001, Madeleine Piché a été renversée par le climat malsain qui régnait dans l’établissement. Avec détermination, elle a entrepris de transformer son école. Et ça a fonctionné!

« Sanctionner continuellement les mauvais comportements, donner à outrance des "arrêts", des signatures au passeport, attribuer sans relâche des retenues, surtout aux élèves en difficulté, conduit à une surenchère disciplinaire », croit fermement Mme Piché.

D’ailleurs, dans son école, aucun adulte n’est perçu comme un « sanctionnaire » aux yeux des élèves. « Ici, on fait confiance aux enfants. On récompense tous les bons coups plutôt que de noter uniquement leurs mauvais coups. Au bout du compte, les jeunes s’autodisciplinent et ils nous en remercient ».

La méthode mise en place par Madeleine Piché et son équipe est celle de l’encadrement par privilèges. Mais, attention, dit-elle à ceux qui seraient tentés de l’imiter, il ne s’agit pas d’une « recette miracle ». « Ça demande du temps et un suivi constant. Il faut y mettre beaucoup d’énergie et y croire vraiment ».

À preuve, le système est en constante évolution, même après six années d’application dans son école. « Il faut s’ajuster selon les besoins, les situations rencontrées. Rien n’est coulé dans le béton et c’est ce qui fait l’efficacité du système », affirme-t-elle.

Les adultes donnent du temps
Au quotidien, il s’agit d’octroyer des « coupons privilèges » aux élèves qui respectent les règles de vie de l’école et qui se démarquent par leur bonne attitude et un comportement adéquat. Ils peuvent recevoir un coupon à tout moment, il suffit qu’un intervenant dans l’école juge qu’ils le méritent.

Par exemple, en automne, on récompensera les élèves qui viennent à l’école avec leurs bottes d’hiver dès les premières neiges, plutôt que d’avertir ceux qui continuent à chausser leurs espadrilles. Un grand du 3e cycle qui aide un petit de maternelle à se vêtir pour la récréation pourrait aussi mériter un coupon.

Puis, six fois dans l’année scolaire, les élèves magasinent des « activités privilèges » dans un catalogue, en fonction du nombre de coupons qu’ils ont amassés. Il s’agit essentiellement d’activités spéciales organisées par des enseignants, des parents ou même des organismes communautaires du quartier.

En début d’année scolaire, ces adultes et partenaires déterminent un thème ou une activité qu’ils désirent réaliser avec des élèves. Celle-ci est alors inscrite au catalogue. Se faire faire une coiffure de princesse par la directrice, participer à un dîner jeux vidéo, aller voir les petits à la garderie du coin, être assistant de la secrétaire, aller à la piscine en sont des exemples.

« Ce ne sont pas des activités extraordinaires. Il s’agit davantage pour les adultes de passer un bon moment avec les jeunes, d’avoir une relation moins hiérarchique avec eux. Les jeunes se sentent valorisés, ils ont tous accès aux activités, peu importe leurs résultats aux examens ».

À sa connaissance, aucun élève n’a cherché à profiter du système. « Pour les jeunes, cela va de soi. Ils ne déploient pas de stratégie pour obtenir plus de coupons. Ils savent qu’ils en reçoivent lorsqu’ils le méritent ».

Améliorations notoires
Depuis l’implantation du programme, les améliorations ont été considérables dans l’école, notamment par la diminution des actes d’intimidation, des agressions verbales et des bousculades.

« Un climat de respect s’est définitivement installé dans l’école, autant entre les élèves et les adultes qu’entre les élèves eux-mêmes. Les nouveaux qui arrivent chaque année entrent rapidement dans le système. Sinon, ils se le font dire par les autres. Et puis, les enseignants, eux, passent plus de temps à enseigner qu’à faire de la gestion de classe, ce qui n’était pas le cas auparavant », soutient Mme Piché.

Ces dires ont été validés dans le cadre d’une recherche réalisée conjointement par son école et le Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire, de septembre 2005 à janvier 2007. Pour obtenir un exemplaire du rapport, écrivez à .

« Cette étude a permis de dresser le portrait du climat de l’école, de montrer que ça fonctionne lorsque les conditions favorables sont réunies, comme l’adhésion de toute l’équipe-école, la constance dans la remise des coupons et, la plus importante de toutes, la formation d’un Comité privilège qui assure un suivi serré », fait remarquer Mme Piché.

Elle souhaite maintenant aller voir plus loin, en étudiant l’impact du système plus précisément sur les élèves en trouble d’apprentissage ou de comportement, notamment au niveau de leur réussite académique et de leur estime de soi. Un autre rapport est donc à venir au cours des prochaines années.

Adaptable à d’autres écoles
Mme Piché est également convaincue que le système d’encadrement par privilèges mis au point dans son école pourrait très bien servir à améliorer le climat dans d’autres écoles, et pas uniquement dans des quartiers défavorisés comme le sien.

« Dans les milieux aisés, les jeunes sont plus souvent habitués à recevoir des récompenses matérielles. Notre système offre des récompenses sous forme de temps, de valorisation. Des adultes acceptent de passer du temps avec les jeunes pour leur partager une passion », affirme Mme Piché.

Elle croit aussi que le système pourrait fonctionner dans une école secondaire. « Les ados aussi ont besoin de modèles à suivre, d’exemples de réussite, ils ont besoin que l’on souligne leurs comportements positifs tout autant que les jeunes du primaire ».

« Dans le fond, nous n’avons rien inventé. Nous transmettons tout simplement des valeurs humaines aux jeunes et cela pourrait transformer leur vie », ajoute-t-elle.

En conclusion, Madeleine Piché insiste : « Le programme d’encadrement par privilèges n’est pas une solution miracle, mais il est certain que le système traditionnel punitif mène tout droit dans un cul-de-sac. Oui, c’est important d’avoir des cadres et des conséquences pour ceux qui ne le respectent pas. Mais, ça prend aussi un autre système qui agit en parallèle, qui compense pour la lourdeur du système traditionnel et qui, surtout, fait ressortir les bons coups de chacun ».

Elle termine : « Le respect ne se gagne pas par la peur de l’autre. Il faut se défaire de cette notion de pouvoir qui prime encore dans les écoles. Ainsi, on pourra transformer l’éducation ».

Par Martine Rioux, APP


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