Lucie Galerneau, enseignante à l’école primaire Saint-François-d’Assise, située dans le quartier Limoilou de Québec, a décidé de transmettre le goût et le plaisir de lire à ses élèves de 2e année. En septembre, il n’y avait aucun manuel de lecture dans sa classe. Il y avait plutôt une centaine de livres de la littérature enfantine.
Tous ses élèves ont été rencontrés par l’orthopédagogue, Ginette Pelletier, afin de déterminer leur niveau de lecture. Les livres ont aussi été classés selon ces niveaux. Ainsi, les enfants lisent des livres qui leur conviennent. Quand ils gagnent en habileté de lecture, ils montent d’un niveau. Ils disposent d’un carnet de suivi de leurs lectures et ils sont constamment réévalués. « Cela permet de respecter le rythme d’apprentissage de chaque enfant. Si un élève est plus avancé que les autres, il ne trouve pas que ce qu’il lit est trop facile. Si un autre est moins avancé, il ne trouve pas les textes trop difficiles. Comme cela, tout le monde est content », explique Mme Galerneau.
Elle n’est pas la première à adopter la méthode. Yves Nadon, un enseignant de la région de Sherbrooke, utilise la littérature enfantine dans sa classe depuis plus de 20 ans. Lorsqu’elle a entendu parler de lui au printemps 2002, elle s’est directement rendue chez lui pour le rencontrer avec Danielle Sylvestre, une autre enseignante de 2e année à l’école Saint-François-d’Assise, et Sarah Lebrun de l’école Saint-Jean-Baptiste. Elles sont revenues enchantées de leur rencontre. Elles ont décidé de tenter l’expérience. Depuis, une autre enseignante de l’école Saint-Jean-Baptiste, Julie Saint-Pierre, s’est jointe au groupe et d’autres enseignantes de la région de Québec seraient sur le point d’emboîter le pas. « La méthode est peut-être utilisée ailleurs, mais on ne le sait pas », déplore Mme Galerneau. Elle a d’ailleurs créé un site web afin de réunir les enseignants et « les classes lectrices » à un même endroit.
En juillet, elle a magasiné des livres avec sa collègue, Mme Sylvestre. Elles en ont acheté 253 qu’elles s’échangent régulièrement. Mais, pour créer plus de variété de lecture pour les enfants, elles louent des volumes dans les bibliothèques du quartier. De plus, elles reçoivent gratuitement une bonne quantité de livres de la part de la Bouquinerie Trait-d’Union de Québec qui se spécialise dans la revente de livres usagés.
Dans la classe de Mme Galerneau, il y a au moins une période de lecture par jour, auquel il faut ajouter les périodes d’écriture. Que fait-on pendant cette période? Parfois, l’enseignante fait la lecture; parfois, les enfants lisent à voix haute; parfois, ils font de la lecture libre. D’autres fois, ils commencent la lecture d’une histoire en groupe, puis ils doivent écrire la fin avant de l’avoir lue. Ensuite, ils vont vérifier si leurs prédictions étaient bonnes. À d’autres occasions, il faut écrire un récit au complet. « J’ai utilisé L’écharpe rouge d’Anne Villeneuve. C’est une histoire racontée en images. C’est à nous d’y mettre le texte que l’on veut », indique Mme Galerneau. Bien sûr, il est aussi question de grammaire et d’orthographe à l’occasion.
Depuis que les enfants ont découvert les livres, certains ne veulent plus s’en passer. Lors du passage de l’infobourg, les enfants étaient en période de lecture libre. Certains ont rangé leur livre à contre-cœur, lorsqu’il a fallu quitter pour le dîner. « Les changements sont énormes chez certains enfants. Ils sont plus motivés. Ils découvrent d’autres univers. Ils ont tôt fait d’adopter certains auteurs, certains types de récit. C’est en lisant qu’on apprend le plaisir de lire », soutient l’enseignante, qui est elle-même une passionnée de littérature.
Elle a également remarqué une nette amélioration en écriture chez certains élèves. Ils font moins de fautes, ils ont plus de vocabulaire. D’ailleurs, au cours de leur lecture, lorsqu’ils trouvent des « mots savants », ils doivent les partager avec les autres. Avec les livres, les enfants développent aussi leur esprit critique. « Lorsqu’ils racontent leurs livres coup de cœur devant la classe, ils doivent expliquer pourquoi ils l’ont aimé. Si un autre enfant ne l’a pas aimé, ils doivent alors apprendre à respecter les opinions des autres ».
Les élèves de Mme Galerneau sont donc maintenant de véritables petits loups conteurs! Ce nom vient du livre Le loup conteur de Becky Bloom, illustré par Pascal Biet, qui raconte l’histoire d’un loup affamé qui ne peut pas manger des animaux alphabétisés. Il doit donc apprendre à lire.
Et, que lisent-ils ces petits loups conteurs? « Je préfère les livres drôles, et s’il y a des animaux drôles, c’est encore mieux », dit Iovan. « J’aime les livres d’aventure », affirme Xavier. « J’aime les livres avec beaucoup de texte », soutient Maude qui aime aussi les histoires d’amour. Elisabeth aime bien Edmond l’affreux raton. Samantha préfère le Drôle de zoo. Cynthia, qui a lu plusieurs des aventures d’Armeline, se dit spécialiste de la lecture depuis qu’elle est dans la classe de Lucie.
Un tel projet ne serait pas possible sans le soutien de certaines personnes, croit Mme Galerneau. À ce sujet, elle tient à remercier le directeur de son école, Marc Fournier, ainsi que Roger Delisle et Claire Pepin, respectivement coordonnateur et conseillère pédagogique des services éducatifs des jeunes à la Commission scolaire de la Capitale.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les parents dans la démarche. Ceux-ci suivent constamment les progrès de leurs enfants en lecture par le biais du cahier de suivi qu’ils ont en leur possession. Quand les élèves amènent un livre à la maison, les parents doivent initialiser le cahier de suivi une fois qu’il a été lu. Les enfants ont d’ailleurs toujours deux à trois livres avec eux. « Et, il n’y a eu aucun bris et aucune perte depuis le début de l’année », précise Mme Galerneau.
Le plaisir de lire est un don incroyable à faire à un enfant. Heureusement, il existe des personnes, comme Mme Galerneau et ses collègues enseignants, qui ont le désir de transmettre leur passion pour la lecture aux enfants.
À lire :
Un guide pour les parents afin de promouvoir la lecture chez les enfants, paru dans le webzine Soins de nos enfants de la Société canadienne de pédiatrie.
Le projet Les loups conteurs est inscrit dans le projet Mieux vivre ensemble.
Par
|