TIC et éducation au Canada : l’Infobourg

6 février 2007

Une directrice d’école exemplaire

Caroline Dupré, directrice de l’école Lafontaine de Saint-Hyacinthe (l’une des plus défavorisées au Québec), a été élue « héros de l’année », catégorie Éducation, par les lecteurs du magazine Sélection du Reader’s Digest. L’Infobourg s’est entretenu avec elle.

Il fallait avoir l’âme missionnaire pour demander au directeur général de sa commission scolaire d’être nommé à la direction de l’école primaire Lafontaine de Saint-Hyacinthe. Personne ne voulait du poste dans cet établissement fréquenté par un grand nombre d’enfants défavorisés ou ayant des difficultés d’apprentissage. C’est pourtant ce qu’a fait Caroline Dupré, il y a quatre ans.

« L’école n’avait vraiment pas une bonne réputation, mais je voyais qu’on était capable d’y faire de belles choses. J’étais prête à relever le défi pour améliorer la qualité de vie des enfants », soutient la jeune femme de 37 ans. Elle s’est donc attaquée sans tarder aux problèmes de faim, d’apprentissage, de négligence et d’hygiène qui étaient le quotidien de certains enfants.

Parallèlement, elle a aussi fait beaucoup d’efforts pour publiciser dans les médias locaux les bons coups qui se réalisaient dans l’école. C’est ainsi qu’une commerçante du centre-ville de Saint-Hyacinthe en est venue à poser la candidature de Caroline comme « héroïne en éducation » pour les prix « Héros de l’année », remis annuellement par Sélection du Reader’s Digest. Les lecteurs du magazine ont voté et approuvé.

« Je suis contente de cette reconnaissance. Par contre, je suis convaincue que plusieurs de mes collègues auraient pu mériter cet honneur. Il y a plein de beaux projets qui se réalisent dans les écoles. On a tendance à critiquer facilement : la réforme, les bulletins, etc. Mais le quotidien dans les écoles, ce n’est pas ça », dit-elle avec modestie.

« Personnellement, je trouve inacceptable qu’un enfant n’ait pas accès aux mêmes ressources qu’un autre parce qu’il vit dans un milieu défavorisé. Je crois aussi qu’il faut répondre le plus possible aux besoins de base des enfants. A-t-il déjeuné? Est-il habillé convenablement? A-t-il dormi? Si ces besoins ne sont pas comblés, il n’est pas disposé à apprendre, peu importe le projet que l’enseignant lui proposera », poursuit-elle.

C’est avec cette conviction que Mme Dupré a relevé les défis, les uns après les autres, dans son école. En mars 2004, elle a mis en place un service local du Club des petits déjeuners. Aujourd’hui, une centaine d’élèves, sur les 145 que compte l’école, en bénéficient tous les matins. « Pendant le déjeuner, on parle de tout, sauf d’école. Nous avons réussi à recréer une ambiance familiale pour les enfants », témoigne avec fierté la directrice qui prend part au déjeuner deux à trois fois par semaine.

Puis, constatant que certains enfants n’étaient pas vêtus correctement pour faire face aux températures hivernales, elle a constitué une banque de vêtements chauds. Elle a aussi établi un partenariat avec une école située dans un quartier aisé de la ville. À chaque automne, les parents donnent des habits de neige qui ne conviennent plus. Un nettoyeur les rafistole, les nettoie et les réimperméabilise ensuite gratuitement. Le Club optimiste contribue, pour sa part, à l’achat de bottes, tuques, mitaines et foulards.

En 2005, l’ambiance dans la cour d’école était devenue infernale. Les enseignants ont alors identifié les intimidateurs et les ont réunis afin de leur faire prendre conscience du tort qu’ils causaient. Finalement, une vidéo mettant ces jeunes en vedette a été réalisée. « On y raconte une journée dans la vie d’une victime d’intimidation et de taxage. À la fin, elle se demande si elle doit continuer à endurer tout ça ou si elle doit dénoncer son agresseur. C’était notre façon d’amener les enfants à parler lorsqu’ils se font intimider », explique Mme Dupré. La vidéo a par la suite était distribuée gratuitement dans toutes les écoles de la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe.

Parmi les autres actions entreprises par la directrice, notons que l’école Lafontaine a joint les rangs des Écoles en forme et en santé. On y fait donc de la prévention concernant l’hygiène, le tabagisme, l’alimentation (des cours de cuisine sont donnés aux élèves) et l’activité physique (des activités spéciales sont offertes gratuitement le midi et après les classes).

Et Mme Dupré ne compte pas s’arrêter là. Elle espère maintenant ouvrir ses élèves sur le monde en leur faisant découvrir le théâtre, les musées, la musique, etc., et en leur proposant des sorties extraordinaires. « C’est une façon de leur faire découvrir le monde. Certains enfants n’ont jamais vu d’animaux réels. Ils ne savent pas ce qu’est une peinture. Ils n’ont jamais assisté à un concert », dit-elle. Bien sûr, pour ce faire, elle aura besoin de la générosité des gens et des organismes. « Il ne faut malheureusement pas compter sur la campagne de financement annuelle pour récolter l’argent nécessaire… »

On peut gager que son appel sera entendu. Sa nomination comme héroïne de l’année a déjà porté fruit. La Fondation des maladies de l’œil viendra faire l’examen de la vue de tous ses élèves le 23 février prochain, et elle financera les lunettes pour tous ceux qui en auront besoin.

Lorsqu’on lui demande si elle n’en fait pas un peu trop, Mme Dupré répond : « peut-être, mais c’est mon devoir et ma mission de voir au bien-être des enfants ». L’empathie, la passion et la patience sont les vertus qui guident sa carrière. « L’essentiel, c’est d’avoir du plaisir à faire ce que l’on fait », conclut celle qui a su transmettre sa passion pour les enfants à toute l’équipe de son école.

Par Martine Rioux, APP